L'Immaculée Conception et la prédestination de Marie

Publié le 8 Mars 2024

L'Immaculée Conception et la prédestination de Marie

Au cours des dernières semaines, nous avons observé que la Vierge Marie est décrite comme immaculée de manière littérale dans les Écritures, même si cela nécessite une certaine analyse grammaticale du texte grec. A cette occasion, nous avons observé que l'immaculé de Marie précédait l'Annonciation mais nous n'avions aucun repère temporel pour situer le début de la cause qui a rendu la vierge Marie immaculée. Avec Marie Eve nouvelle, un argument est proposé et qui concerne la conception de Marie. En effet, nous avons vu que par la nouvelle Eve l'immaculée de Marie pouvait se situer au moment de sa conception. A présent, nous tenterons ici de résoudre un dernier problème. Comment le Christ peut-il rendre Marie immaculée alors que son sacrifice est postérieur à l'Annonciation voire à la conception de la Vierge Marie ? 

Depuis sa conception jusqu'à l'Annonciation, Marie semble "se développer" simultanément d'avec la grâce, par anticipation des mérites du Christ. Cette transformation découle de l'action rédemptrice et régénératrice du Christ (Éphésiens 1, 6), dont le sacrifice ultérieur apportera le salut. L'Épître aux Éphésiens, chapitre 1, fournit des éléments de réponse précieux à cette réflexion.

A cette fin, il est utile d'examiner un verset précédent, le verset 4, pour éclairer notre compréhension : "Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour".

NB : Le terme "immaculé" est souvent traduit par "irrépréhensible" dans les bibles protestantes, alors qu'il est traduit par "sans défaut" en référence au Christ dans 1 Pierre 1, 19 ou encore par "sans tâche" dans Hébreux 9, 14. Voir les occurrences.

Si les protestants avec lesquels nous échangeons répondent généralement à de nombreuses questions sur la prédestination, il semble qu'ils évitent souvent de discuter de la question du temps dans ce contexte. Pourtant, cette question revêt une importance majeure dans leur doctrine de la prédestination. Et c'est précisément sur ce verset d'Éphésiens, qui concerne la Vierge Marie dans son plus haut titre, que les réformés semblent hésiter. Pourtant, la prophétie de la Vierge Marie (Isaïe 7, 14) ainsi que la venue du Christ par la prescience de Dieu (cf. Actes 2, 23) sont clairement établies.

Alors, comment expliquer que la Vierge Marie puisse être "rendue gracieuse" dès sa conception (Luc 1, 28) par "anticipation des mérites du Christ" (Éphésiens 1, 6) ?

L'Immaculée Conception et la prédestination de Marie
Le temps, l'Eternité et Eph 1, 4

 

"Tout ce qu'il fait convient en son temps. Il a mis dans leur coeur l'ensemble du temps, mais sans que l'homme puisse saisir ce que Dieu fait, du commencement à la fin."  (Ecclésiaste 3, 11)

D'autres traductions traduisent par "pensée d'éternité". C'est une notion qui nous dépasse, une dimension à laquelle nous ne pouvons prétendre accéder pleinement, étant créés pour raisonner en trois dimensions dans un temps linéaire. Notre esprit est limité et ne peut pas saisir entièrement cette réalité. Cependant, le fait que cette expression "avant la fondation du monde" nous soit révélée nous invite à méditer sur ce mystère. L'incarnation représente l'Eternité de Dieu qui entre dans l'Histoire. Essayons donc d'approfondir cette idée avec l'aide de Saint Augustin, tel qu'il le développe dans son onzième livre des Confessions.

1100 : Il cherche à expliquer les premières paroles de la Genèse: «Dans le principe Dieu fit le ciel et la terre.» - Il répond à cette question: «Que faisait Dieu avant la création du monde?» - Point de temps avant la création. - Qu'est-ce que le temps? - Quelle est la mesure du temps? 

1107, 9.   Vous nous appelez donc plus haut; vous nous appelez à l'intelligence du Verbe-Dieu, Dieu en vous, Verbe qui se prononce et prononce tout de toute éternité; parole sans fin (...) sans écoulement; qui dit éternellement, et tout à la fois, toutes choses

En effet, du point de vue divin, du moins dans la mesure où nous pouvons le concevoir intellectuellement, le temps est un "présent éternel" où tous les moments se confondent simultanément sans confusion. C'est l'omniscience. 

XIII. Point de temps avant la création.

 15.    Un esprit léger s'élance déjà peut-être dans un passé de siècles imaginaires, et s'étonne que le Tout-Puissant, créateur et conservateur du monde, l'architecte du ciel et de la terre, ait laissé couler un océan d'âges infinis sans entreprendre ce grand ouvrage. Qu'il sorte de son sommeil, et considère l'inanité de son étonnement! Car d'où serait venu ce cours de siècles sans nombre dont vous n'eussiez pas été l'auteur, vous, l'auteur et le fondateur des siècles? Quel temps eût pu être, sans votre institution? Et comment se fût-il écoulé, ce temps qui n'eût pu être?    Puisque vous êtes l'artisan de tous les temps, si l'on suppose quelque temps avant que vous eussiez créé le ciel et la terre, pourquoi donc prétendre que vous demeuriez dans l'inaction? Car ce temps même était votre ouvrage, et nul temps n'a pu courir avant que vous eussiez fait le temps. Que si avant le ciel et la terre il n'était point de temps, pourquoi demander ce que vous faisiez ALORS? Car, où le TEMPS n'était pas, ALORS ne pouvait être.

Saint Augustin explore ici la "notion du temps" en tant que création de Dieu, un temps qui n'existait pas avant la création, car il fut lui-même créé au moment où la Parole divine proclama : "Au commencement".

16.    Et ce n'est point par le temps que vous précédez les temps, autrement vous ne seriez pas avant tous les temps. Mais vous précédez les temps passés par l'éminence de votre éternité toujours présente; vous dominez les temps à venir, parce qu'ils sont à venir, et qu'aussitôt venus, ils seront passés. «Et vous, vous «êtes toujours le même, et vos années ne s'évanouissent point (Ps 101,28).» Vos années ne vont ni ne viennent, et les nôtres vont et viennent afin d'arriver toutes. Vos années demeurent toutes à la fois, parce qu'elles demeurent. Elles ne se chassent pas pour se succéder, parce qu'elles ne passent pas. Et les nôtres ne seront toutes, que lorsque toutes auront cessé d'être. Vos années ne sont qu'un jour; et ce jour est sans semaine, il est aujourd'hui; et votre aujourd'hui ne cède pas au lendemain, il ne succède pas à la veille. Votre aujourd'hui, c'est l'éternité. Ainsi vous avez engendré coéternel à vous-même Celui à qui vous avez dit: «Je t'ai engendré aujourd'hui (Ps 2,7; He 5,7).» Vous avez fait tous les temps, et vous êtes avant tous les temps, et il ne fut pas de temps où le temps n'était pas. 

"Vous précédez les temps passés par l'éminence de votre éternité toujours présente; vous dominez les temps à venir, parce qu'ils sont à venir, et qu'aussitôt venus, ils seront passés.

Dieu transcende le temps, étant présent simultanément dans le passé, le présent et le futur, car Il est au-delà de tous les temps. Cette vision divine de l'éternité nous amène à considérer Ephésiens 1, 4. L'apôtre nous parle de notre élection "avant la fondation du monde" afin que nous puissions saisir cette réalité. Ainsi, si nous sommes choisis en Dieu avant même que le monde ne soit créé, cette fondation du monde se situe dans l'éternité divine, en dehors de toute notion temporelle. A ce stade, il est nécéssaire de prendre un certain temps pour s'accorder avec l'enseignement de 1 Corinthiens 15, 46.

Il est essentiel de souligner cette mise en garde pour éviter de glisser dans le domaine de la préexistence des âmes et de la métempsycose. Il convient de rappeler que ni la Vierge Marie ni nous-mêmes n'avions une quelconque forme d'existence avant notre naissance. Ce point est crucial pour maintenir une compréhension théologique cohérente et éviter les interprétations erronées.

Nous sommes pensés et voulus par Dieu depuis toute éternité. Dans Son amour infini, Dieu nous a voulu, même dans notre condition de pécheurs, à l'exception de la Vierge Marie, pour qui Il n'a pas seulement manifesté une volonté, mais a également joué un rôle actif dans sa conception immaculée et totalement humaine.

Tableau de Philippe de Champaigne (1645) représentant saint Augustin recevant la vérité révélée par la grâce divine en étudiant les écritures bibliques.

Tableau de Philippe de Champaigne (1645) représentant saint Augustin recevant la vérité révélée par la grâce divine en étudiant les écritures bibliques.

L'Immaculée Conception "depuis la fondation du monde"

 

Bien que Jésus soit intervenu dans le cours de l'Histoire et se soit sacrifié "une fois pour toutes", cet acte transcende les limites du temps. En effet, ce sacrifice éternel résonne à travers toutes les époques, offrant le salut à tous les êtres humains, depuis Adam et Ève jusqu'à la fin des temps. Cette œuvre rédemptrice de Jésus s'inscrit dans le dessein divin préétabli et anticipé par Dieu lui-même, comme le souligne l'Écriture dans les Actes des Apôtres 2, 23. Ainsi, le sacrifice du Christ ne se limite pas à un événement historique ponctuel, mais englobe l'ensemble de l'histoire humaine, offrant la possibilité de réconciliation avec Dieu à chaque individu.

Dans cette perspective, la Vierge Marie occupe une place privilégiée en tant que première bénéficiaire de cette grâce rédemptrice. Son rôle unique dans le plan de salut de Dieu est clairement établi, et elle est appelée à jouer un rôle central dans la réalisation de ce dessein divin. En suivant l'exemple de Marie, nous sommes invités à rendre grâce pour cette grâce qui nous a été accordée en Christ, nous rendant agréables aux yeux de Dieu bien-aimé (Éphésiens 1, 6). Ainsi, l'ensemble du plan de salut de Dieu, de la prédestination à la rédemption en passant par l'immaculée conception de Marie, témoigne de la grâce incommensurable de Dieu envers l'humanité.

Dans notre conclusion, nous observons que la place de la Vierge Marie dans le dessein divin est indéniable, puisqu'elle est considérée comme la première des prédestinées de l'ère chrétienne. Cette prédestination, anticipée avant même la création du monde et annoncée dans les prophéties messianiques, évoque naturellement une conception spécifique pour Marie : celle de donner naissance au Fils de Dieu incarné. Ainsi, la question se pose : peut-on véritablement adhérer à l'idée de prédestination sans reconnaître la réalité de l'immaculée conception de Marie ?

Cette interrogation nous amène à considérer la cohérence théologique entre ces deux concepts. Si Marie est prédestinée à un rôle unique dans le plan divin, il semble logique qu'elle soit préservée du péché originel afin de devenir le véhicule pur par lequel le Christ vient dans le monde. En effet, concevoir Marie comme porteuse du Verbe incarné nécessite de reconnaître qu'elle soit exempte de tout péché, pour être digne de cette mission sacrée.

Ainsi, rejeter l'immaculée conception tout en adhérant à la prédestination de Marie semble paradoxal. Car reconnaître sa prédestination implique également de reconnaître la pureté et la sainteté nécessaires pour accomplir son rôle unique dans le dessein divin. En fin de compte, ces deux doctrines sont étroitement liées et se renforcent mutuellement dans la compréhension globale de la place de Marie dans le plan de salut de Dieu.

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